mercredi 28 avril 2010

Extraction du sommier.

J'ai décidé d'enlever le sommier de ses montants pour voir comment il était fixé.




Ayant enlevé la joue, j'aperçois un bout de métal juste au bord. Avec quelques coups de ciseaux, je dégage une tête de vis, ou plutôt un boulon; je trouve la même chose côté gauche.


En fait de boulon , c'est plutôt un écrou sur une tige filetée; l'autre écrou est dans le fond, caché par un cache-écrou en bois.

Mais pour bien solidariser le sommier de ses montants, quitte à utiliser ce genre de fixation pas très historique, il eut mieux valu en mettre deux, à chaque extrémité du sommier sur les montants, car deux points forment une droite, alors qu'un seul donne un axe de rotation ... Pas étonnant que le sommier, soumis à un effort de rotation ait pivoté autour de cet axe !



Je remarque aussi que les montants du sommier sont en épicéa, très tendre (on le marque à l'ongle); ce n'est pas le meilleur bois pour ces pièces. En général on met du chêne, beaucoup plus dur et solide.

Le sommier lui-même est en hêtre, constitué de plusieurs planches collées, mais il est fendu dans les basses, suite à un retrait de séchage.



Chaque opération amène son lot de surprises. Je comprends mieux maintenant la raison des pattes de fixation du sommier aux montants, mais il était sans doute déjà trop tard !

A suivre ...

lundi 26 avril 2010

Plan du Grimaldi 1697

Je viens de recevoir le plan du clavecin de Carlo Grimaldi (Messine, 1697) qui est au Musée National de Nüremberg.
Sur le plan de l'architecture, ce clavecin comporte :
- 6 arcs-boutants,
- 11 équerres sur l'éclisse courbe
- 4 équerres sur l'échine
- 4 raidisseurs de fond posés en transversal.

Ceci est à comparer aux :
- 8 équerres sur l'éclisse courbe,
- 4 équerres sur l'échine,
- 1 raidisseur de fond posé en oblique.
du clavecin défunt qui, pour la même longueur et 5 notes de plus (GG#, c'''#, d''' et transposition +/- 1/2 ton), a donc nettement moins de contre-réactions d'efforts.

Une faiblesse de plus sur le plan de la conception !

samedi 17 avril 2010

De surprise en surprise !

Maintenant que les choses sont claires sur le plan de la déformation de l'instrument, je l'ai décordé. Aussitôt, la fosse s'est déserrée, et j'ai pu enlever les registres sans problème.

Je m'attache donc maintenant à "déconstruire" l'instrument, pour en savoir plus sur son architecture interne.

J'ai donc tout d'abord décollé l'échine, ce qui me permet de voir tout l'intérieur de l'instrument, et là, surprise : la forme des équerres !



Alors que dans la littérature (Hubbard notamment), et sur A tempo giusto, les équerres collées sur le fond et soutenant les contre-éclisses, sont réellement des équerres, là, un des côtés de l'angle droit a été usiné en creux sur 12 mm, pour une corde de 80mm ! Et elles sont toutes de cette forme : les 4 de l'échine, et les 8 de l'éclisse courbe.


Même à la queue, le barrage en croix est éloigné de l'échine de 3mm, sauf l'extrémité qui est donc le seul point fixe de l'échine, sur la totalité de sa largeur depuis la queue jusqu'au sommier.

Nul doute que cette conception a pour but de faire résonner les murs de l'instrument puisque les éclisses sont aussi fines qu'une table d'harmonie : 3mm !

Mais, car il y a un mais, ce faisant, la rigidité de l'échine, et on l'a vu précédemment, en a pris un coup, puisqu'elle a "flambé". Tous ceux qui ont fait un peu de Résistance Des Matériaux se rappelleront que l'effort pour faire flamber une poutre d'une section donnée varie comme le rapport inverse du carré de la longueur. (F=K/L2). Plus la poutre est longue, plus l'effort de compression pour la faire flamber est faible. Pour éviter cela, il faut s'assurer de points fixes répartis sur le longueur de la poutre (cas des échafaudages sur les immeubles de grande hauteur par exemple).

Ainsi, avec deux mètres de portée, l'échine a flambé, avec une force de 100 Kgf environ (20% de la tension totale). Si elle avait été bien collée sur toute sa largeur en 5 points, soit 6 intervalles, la force nécessaire pour la faire flamber de la même façon aurait du être 36 fois plus forte, soit 3,6 Tf, ce qui est impossible puisqu'il n'y a que 500 Kgf de tension globale.

Conclusion : le facteur original a voulu sans doute "gagner" en sonorité, mais l'instrument a perdu en résistance structurelle ! Comme on dit souvent, et surtout dans ce cas, le mieux est l'ennemi du bien.

Maintenant, il se peut qu'historiquement, ceci se soit fait; je vais enqêter auprès du forum américain HPSCHD-L pour le savoir. Restera à voir dans ce cas si le ou les instruments en question ont tenu ou non.

Car rien ne dit que tous les instruments qui sont dans les musées aient été les meilleurs; on a pu aussi récupérer des "essais" qui n'ont pas marché, voir des nullités.

A suivre ....

vendredi 16 avril 2010

Cedrus Libani !

Une chance inouïe !

Un clavecin italien, traditionnellement, est construit en cyprès; c'est en partie le cas de A tempo giusto, (en partie car le fond est en tilleul).
Je me suis donc mis en quête de trouver du cyprès. Pas facile ! Introuvable en France, il faut sans doute chercher en Italie; normal !

Dans mes recherches, à tout hasard, j'ai fait "Cèdre du Liban" sur Google, et là bingo ! Au fin fond d'une menuiserie vosgienne, un menuisier à la retraite soldait un stock d'un mètre cube de Cèdre du Liban, qu'il avait fait venir du Liban, il y a plus de 5 ans (il est donc extrêmement sec !) , pour faire des caves à cigares....

En effet, le Cedrus libani est un bois odorant et imputrescible qui fait fuir les insectes; de ce fait, c'est un bois sain. A ne pas confondre avec le Western Red cedar américain.

C'est aussi un bois "saint", mythique, mieux "biblique" car c'est l'arbre le plus cité dans la Bible, compte tenu de la noblesse de son port et de sa grande qualité comme bois de construction. Le Liban n'est-il pas appelé le "pays du Cèdre".

Pensez-donc, dans l'Antiquité, le bois de Cèdre était objet d'échanges commerciaux et de tributs entre les peuples du Moyen-Orient. A l'époque, on payait ses impôts en métal, ou en bois de Cèdre ! La tradition rapporte aussi que le temple de Salomon fut construit en bois de Cèdre du Liban.

J'ai donc acheté deux plateaux de 5m*0,6m et 58mm d'épaisseur, qui coupés en deux me font 4 plateaux de 2,50m qui viennent de m'être livrés, soit environ 180 Kg de bois. Compte tenu des chutes, de l'aubier, des noeuds, je pense néanmoins que je devrais en avoir largement assez pour faire un clavecin.

En plus, le vieux menuisier m'a donné les meilleurs plateaux, ceux qui sont au centre de l'arbre. En comptant les cernes, cet arbre avait 70 ans quand il a été abattu.

Opus 5 sera donc en Cèdre du Liban. Il va falloir songer maintenant à le débiter ....

A suivre!